Camille Bourdaire-Mignot – Le corps de la personne, un enjeu familial ?
Le Groupe des humanités juridiques vous convie au cycle de conférences 2023-2024 du Groupe de réflexion en droit privé intitulé « La fabrique des corps en droit privé ». Dans le cadre de celui-ci, Camille Bourdaire-Mignot (Université Paris Nanterre) présentera une conférence intitulée « Le corps de la personne, un enjeu familial ? » le vendredi 2 février 2024 de 12:30 à 14:00 (Montréal) / 18:30 à 20h00 (Paris), sur Zoom.
Lien Zoom : https://uqam.zoom.us/j/82849743165
Résumé : Je vous propose une réflexion relative au pouvoir de la famille sur le corps de ses membres. A travers mes recherches sur les décisions de santé des majeurs protégés et des mineurs, j’ai étudié différentes situations de pouvoir familial exercé sur le corps de la personne. Il s’agit dans ce cas d’un pouvoir qui permet de représenter la personne dans l’intérêt de celle-ci. En ce domaine, on observe une certaine émancipation de la personne dont l’autonomie est largement promue par la loi. Pour autant, mon hypothèse est que le corps de la personne n’échappe pas totalement au pouvoir de la famille. Mais c’est alors sans doute d’une autre forme de pouvoir dont il s’agit, d’un pouvoir « emprise » qui permet de décider à la place de la personne malgré son opposition par exemple ou d’entraver sa décision. Ainsi en matière de prélèvement d’organes post-mortem, la législation contemporaine n’est pas parvenue à exclure la famille de la prise de décision. En matière de procréation, on trouve encore des traces d’un certain pouvoir « emprise » de la famille à travers la question de l’assistance médicale à la procréation (AMP) récemment ouverte aux femmes seules à l’exclusion des femmes mariées. Avec les progrès de la recherche en matière génétique, apparaissent de nouvelles situations dans lesquelles s’exerce le pouvoir de la famille sur le corps de la personne. Dans ces différents cas, le pouvoir familial semble exercé dans un intérêt qui peut être distinct de celui de la personne. Mon hypothèse est qu’il est fondé sur différentes fonctions du corps de la personne : assurer l’identification et l’unité de la famille, assurer sa perpétuation (reproduction) et sa pérennité (maintien en bonne santé)… En somme, dans cette conférence, je propose de vous livrer le point de départ d’une réflexion que je débute (en vue de mon HDR) et dont l’objectif est d’interroger l’évolution de cette conception « utilitariste » du corps dans la famille. Quid de cette évolution dans un contexte où une place de plus en plus importante est reconnue à l’autonomie de l’individu, laquelle implique une plus grande liberté de disposer de son corps ?
Biographie : Camille Bourdaire-Mignot est maître de Conférences à l’Université Paris Nanterre (France). Elle co-dirige le master Justice, procès et procédures rattaché à l’IEJ Henri Motulsky.
Ses recherches portent sur le droit des personnes et de la famille ainsi que sur le droit de la bioéthique et de la santé. Elle a publié un ouvrage synthétique sur la réforme française de la bioéthique de 2021 avec T. Gründler (AMP, cellules souches, génétique… ce que change la loi de bioéthique de 2021, coll. Droit en poche, Gualino, 1e éd. oct. 2021) et a récemment co-dirigé (avec T. Gründler) un projet de recherche pluridisciplinaire « Autonomie des personnes âgées et mesures de protection juridique. Quelle place dans le champ médical pour la volonté des personnes âgées juridiquement protégées ? », dont le rapport est publié sur le site de l’IERDJ.