Félix L. Deslauriers – Penser (les discours sur) l’homophobie avec Colette Guillaumin
Apparu au début des années 1970 dans les discours de la psychologie sociale aux États-Unis, le terme « homophobie » cherche initialement à renverser la pathologisation de l’homosexualité. S’il est d’abord relativement ignoré, y compris dans les milieux militants de l’époque, il est aujourd’hui le terme privilégié pour nommer l’oppression spécifique des homosexuels. C’est ainsi celui qui est mis de l’avant pour qualifier des événements comme les agressions en marge du débat sur le « mariage pour tous » en France ou le massacre d’Orlando en 2016. Il est maintenant largement répandu dans le langage courant aussi bien que dans la littérature scientifique, où on lui consacre ouvrages de synthèse (Borrillo, 2000) et dictionnaires spécialisés (Tin, 2003).
Le succès de la notion d’homophobie est parfois interprété comme le signe d’une « rupture historique » que le sociologue Éric Fassin (2003) appelle « inversion de la question homosexuelle ». Alors que c’était l’homosexualité qui faisait problème du point de vue des sciences et de la société en général, ce serait désormais l’homophobie qui serait soumise à une problématisation particulière. Pareil déplacement de l’objet d’analyse signalerait un renversement « aussi bien épistémologique que politique » (Borrillo, 2000 : 3).
C’est cette hypothèse d’une « inversion de la question homosexuelle » que cet article voudrait interroger, en mobilisant les contributions de Colette Guillaumin. Celles-ci ont rarement été mises à profit dans la littérature sur l’homophobie, y compris lorsque ce concept y est critiqué (p. ex. Bastien-Charlebois, 2011). Ses travaux sur le racisme (1972) et le sexisme (1978 ; 1992) offrent pourtant de précieux outils pour penser les rapports sociaux constitutifs des majoritaires et des minoritaires – ainsi que la manière dont ces rapports se jouent dans le discours. Les contributions de Guillaumin seront mobilisées ici pour procéder à l’analyse d’un corpus de textes en sciences humaines et sociales sur l’homophobie. Il s’agira d’examiner les apports et limites de l’appréhension des rapports sociaux par ces discours.
Biographie
Félix L. Deslauriers est doctorant en sociologie à l’Université d’Ottawa et titulaire d’une bourse d’études supérieures du Canada Vanier. Ses travaux s’intéressent aux discours de contestation la norme hétérosexuelle du point de vue de l’épistémologie des rapports sociaux constitutifs des majoritaires et des minoritaires. Il a co-organisé le colloque international Penser la (dé)naturalisation de la race et du sexe. Actualité de Colette Guillaumin (Ottawa, juin 2019).
Cet événement s’inscrit dans les activités de l’Atelier sur les corps, les identités et l’être.
Invité·e
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Félix L. DeslauriersDoctorant en sociologie, Université d’Ottawa