Paola Ouedraogo – Habiter la marge : la non-mixité comme réappropriation des identités multiples
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Cet essai part d’une expérience très personnelle, et invite à réfléchir à la notion d’« identités marginales » en se basant sur mon propre vécu du métissage. Être issu·e de plusieurs cultures, et en assimiler d’autres en cours de route, fait immanquablement naître des questionnements identitaires. Et pour cause, notamment, le fait de toujours devoir se définir par son appartenance nationale, par sa « nationalité » ou sa « citoyenneté ». Cette tendance, aussi, à réduire les individus à leur origine géographique, comme si l’identité ne pouvait se déployer en dehors des frontières nationales, dans la multiplicité, mais devait s’arrimer à cette entité abstraite et unique qu’est le pays pour exister (Selasi, 2014).
Ces questionnements s’inscrivent au cœur du débat sur le couple notionnel identité-altérité. La dialectique oppositionnelle qui s’établit entre l’identité (le même) et l’altérité (l’autre) instaure d’emblée une hiérarchisation entre, d’une part, le soi, et de l’autre, ce qui s’en distingue (Colin, 2006). Dans un contexte social régi par des rapports de pouvoir et dominé par certains groupes, on entrevoit très bien comment la réduction de l’identité au « semblable à moi » peut présenter des limites. Cela contribue à écarter de la sphère du discours ce qui apparaît comme « différent » au nom même de ce qui a été identifié comme différant du « moi » (la « race », le genre, l’origine, l’appartenance religieuse etc.).
Mon essai veut interroger les modes de réappropriation du discours privilégiés par les personnes marginalisées pour inscrire leurs identités multiples dans le tissu social. Qu’est-ce, finalement, que l’expérience d’être « autre » et comment se réapproprier cette identité réifiée par le discours dominant au travers des pratiques artistiques ? Quelles alternatives proposer au discours nationaliste à prétention universaliste, pour promouvoir la pluralité et l’éclatement identitaire? La non-mixité apparaîtra alors comme l’un des modes de réappropriation de ces identités marginales : elle vient, selon moi, répondre à l’exclusion initiale, par la mise en place d’un entre-soi qui permet aux identités plurielles qui ne se reconnaissent pas dans le discours identitaire dominant, de s’exprimer dans toute leur complexité. L’enjeu devient alors d’habiter cet espace « autre » pour l’investir de discours agentifs et de créativité, ce dans un mouvement qui part de la marge et se dirige vers le centre (Hooks, 1984). Il s’opère alors un renversement de la dialectique identité-altérité à l’avantage de ces personnes longtemps érigées en « autres », qui deviennent ici sujets et objets du discours.
Biographie
Paola Ouedraogo est candidate au doctorat en études littéraire à l’UQAM. Son mémoire de maîtrise portait sur la transmission intergénérationnelle et les questions de filiations dans des oeuvres d’autrices africaines et antillaises francophone. Cofondatrice de la maison d’édition Diverses Syllabes, elle se spécialise dans les corpus africains, caribéens, post coloniaux et féministes. Ses recherches interrogent globalement la manière dont des identités et voix marginalisées peuvent s’exprimer au travers de la littérature, pour faire exister des vécus laissés pour compte.
Cet événement s’inscrit dans les activités de l’Atelier sur les corps, les identités et l’être.
Invité·e
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Paola OuedraogoCandidate au doctorat en études littéraires, Université du Québec à Montréal